LA COMPOSANTE  ANALGESIQUE DE
L'ANESTHESIE EN 1998

Pr Philippe Scherpereel

Département d'Anesthésie et de Réanimation 2, CHU de Lille


    Composante majeure de l’anesthésie, la seule indispensable, l’analgésie concerne la totalité de la période opératoire. Elle doit constituer un continuum parfait car toute solution de continuité, entraîne l’inconfort et donc l’insatisfaction du malade, mais également l’emballement d’une réaction endocrinienne et métabolique, incomplètement maîtrisée, avec ses conséquences hémodynamiques néfastes chez le cardiaque et le coronarien. Décevante en pratique, l’analgésie préventive doit encore être évaluée, tandis que l’analgésie postopératoire doit être dans la continuité de l’analgésie peropératoire.

L’évolution de la conception que l’on peut avoir actuellement de l’anesthésie procède en premier lieu des progrès de notre connaissance des mécanismes de la douleur. Leur multiplicité justifie une approche pharmacologique diversifiée et la recherche d’associations antalgiques conduisant au concept d’analgésie potentialisée ou balancée? ainsi qu’à la recherche de techniques d’épargne morphinique. Les découvertes récentes de la neurobiochimie de la douleur ouvrent des voies nouvelles à l’analgésie : anti N.M.D.A., avec le retour de la kétamine et l’apparition d’une nouvelle classe thérapeutique, A.I.N.S. sélectivement anti COX2, permettant d’envisager un recours à des anti inflammatoires comportant un risque moindre d’effets secondaires... En revanche, certaines avancées thérapeutiques restent encore virtuelles, endorphines produites par génie génétique, anti enképhalinases...

D’autres progrès pharmacologiques ont ou vont modifier profondément la pratique de l’analgésie périopératoire, caractérisés par la poursuite de l’escalade de la puissance avec le sufentanil et le raccourcissement de la durée d’action, commun aux hypnotiques et aux curares. La brièveté d’action du rémifentanil, liée à son métabolisme particulier, n’engendre pas comme avec les hypnotiques et les curares, une plus grande maniabilité. Elle pose au contraire le problème de la transition entre la période per et post opératoire nécessitant la recherche de solution permettant la continuité de l’analgésie. La brièveté d’action de l’ensemble des agents de l’anesthésie va conduire à une redéfinition du rôle de la salle de surveillance postinterventionnelle. L’Analgésie à Objectif de Concentration pharmacologiquement concevable avec le remifentanil, ne permet pas un parallèle parfait avec Anesthésie IntraVeineuse à Objectif de Concentration (AIVOC), car si le monitorage cérébral par l’analyse bispectrale permet actuellement une approche de la profondeur de l’anesthésie, on est encore loin d’un monitorage de la profondeur de l’analgésie.

L’actualité en analgésie périopératoire, c’est également des techniques qui ne sont plus nouvelles mais ont atteint la maturité : analgésie contrôlée par le patient (PCA et PCEA), analgésie péridurale et spinale morphinique, développement des blocs nerveux périphériques ...

Toutes ces techniques s’ajoutant à une palette élargie d’analgésiques (tramadol) nécessite une réflexion sur l’organisation de l’analgésie périopératoire : constitution d’équipes mobiles versus structures permanentes adaptées, spécialistes du traitement de la douleur ou implication de tous les anesthésistes..

Quelqu’en soient les modalités, la prise en charge de la douleur périopératoire est une composante essentielle de la qualité des soins, un élément primordial de la satisfaction des patients et donc un critère probable de l’accréditation.