CONTROLE STRICT DE LA GLYCEMIE : LES CONSEQUENCES.

Auteur : Philippe Devos1 et Jean-Charles Preiser1
1.      Service des Soins Intensifs, Département d’anesthésie-réanimation, Centre Hospitalier Universitaire du Sart Tilman, Bat. B35, 4000 Liège

 

Résumé

L’importance du contrôle de la glycémie chez le patient en état critique a été récemment soulignée par la description de réductions significatives de la mortalité et de la morbidité chez les patients critiques soumis à une insulinothérapie ajustée en vue du maintien de la glycémie sous 6.1 mmol/L (110mg/dL). Cet article a pour objet de résumer les mécanismes de l’hyperglycémie de stress, et les résultats des autres études cliniques qui ont évalué les effets de l’hyperglycémie et de son traitement dans différentes circonstances.

Sous l’effet de médiateurs inflammatoires et des hormones de la contre-régulation, une résistance à l’insuline apparaît et induit une augmentation de la production de glucose, et une réduction de l’utilisation glucidique dans certains tissus insulino-dépendants. La présence d’une hyperglycémie à l’admission a été associée à mortalité et une morbidité plus élevée dans un certain nombre de pathologie fréquemment rencontrées aux soins intensifs (ex. : infarctus myocardique, trauma crânien ,.. ).

Même si les mécanismes impliqués ne sont que partiellement élucidés, un contrôle strict de la glycémie est probablement souhaitable chez la majorité des patients en état critique.

 

Mots-clés : insuline, glucose, soins intensifs, infection, infarctus myocardique, infarctus cérébral


 

 

INTRODUCTION

 

 

L’hyperglycémie aiguë est fréquemment rencontrée chez les patients de soins intensifs et résulte des changements hormonaux et humoraux qui accompagnent la réaction dite « de stress ». La pratique courante jusqu’il y a peu, encore d’usage dans un tiers des soins intensifs européens à ce jour(1), visait au maintien de la glycémie entre 8,8 (160mg/dl) et 11,1 mmol/l (200mg/dl)(2). Cette attitude tolérante vis-à-vis de la glycémie présentait des avantages supposés : effet osmotique permettant de maintenir la volémie en cas de choc(3),  maximalisation de l’apport de substrat énergétique pour les tissus insulino-indépendants comme le cerveau et les cellules sanguines tout en évitant les risques de l’hyperosmolarité. La glycémie n’était pas considérée comme un facteur de gravité significatif, preuve s’il en est, elle ne participe d’ailleurs pas au calcul des score de gravité telle qu’APACHE ou SAPS.

L’attention a été attirée vers un contrôle strict de la glycémie chez le patient de soins intensifs par la publication dans le New England Journal of Medicine d’une étude réalisée par van den Berghe et collaborateurs(4). En résumé, cette étude compare un traitement insulinique conventionnel ayant pour objectif une glycémie entre 10 et 11.1 mmol/l (180-200mg/dl) à un traitement intensif visant une glycémie entre 4.4 et 6.1 mmol/l (80-110 mg/dl). Les résultats sont impressionnants : le groupe « insulinothérapie intensive » voit sa mortalité et sa morbidité se réduire significativement : 34% pour la mortalité intra-hospitalière, 46% pour les septicémies, 41% pour les insuffisances rénales aiguës nécessitant une hémofiltration, 44% pour les polyneuropathies des soins intensifs, 50% pour le nombre moyen de transfusions érythrocytaires !

Plusieurs études antérieures, sur des populations ciblées de patients de soins intensifs, ont permis de démontrer une corrélation entre glycémie d’admission et pronostic défavorable dans les suites de chirurgie, d’un infarctus du myocarde, d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien. Certains éléments d’explication à ces résultats ont été apportés par des études in vivo et in vitro. Cet article rappelle les mécanismes de l’hyperglycémie de stress et passe en revue les différentes études portant sur les implications de l’hyperglycémie aux soins intensifs.

 

PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HYPERGLYCEMIE DE STRESS

 

L’hyperglycémie de stress (Stress-Induced hyperglycaemia) survient au cours de nombreuses situations pathologiques (Table 1) malgré une insulinémie élevée. Elle fut rapportée pour la première fois en 1877 par Claude Bernard au cours d’un choc hémorragique (5).

 

Table 1 : Facteurs de risque de développement d'une hyperglycémie de stress(6,7)

Diabète préexistant

Hypothermie

Perfusion de catécholamines

Hypoxie

Administration de glucocorticoïdes

Urémie

Obésité

Cirrhose

Score APACHE élevé

Trauma

Age avancé

Brûlure étendue

Excès d'apport de glucose

Chirurgie

Pancréatite

Sepsis

 

Elle est la conséquence probable d’un excès d’hormones de la contre-régulation et de médiateurs inflammatoires. Ces hormones et médiateurs ont une action synergique entraînant un déséquilibre entre production et utilisation du glucose, ce qui a pour conséquence le développement de l’hyperglycémie. Chacun de ces deux facteurs concourent à inhiber les effets de l’insuline sur la néoglucogenèse hépatique et l’absorption de glucose au niveau des tissus insulinodépendants(2,6-8). Les hormones de la contre-régulation sont le glucagon, l’hormone de croissance (GH),  les catécholamines et les glucocorticoïdes(2,6-8). Les médiateurs dont l’effet a été démontré sont les Facteurs de Nécrose Tumorale (TNF alpha) et les interleukines (IL)-1 et -6. Ces médiateurs, libérés au cours de nombreuses situations rencontrées aux soins intensifs, influencent le métabolisme glucidique de façon directe mais aussi indirectement en stimulant la sécrétion des hormones de la contre-régulation(2,6-8). Il est cependant difficile d’établir un lien entre insulinorésistance et modifications plasmatiques de ces hormones et médiateurs. La réponse doit donc probablement être multifactorielle et comprenant encore d’autres facteurs inconnus à ce jour(9).

 

Production de glucose

 

Le glucose est synthétisé par le foie à partir de quatre substrats différents :

-         réserves de glycogène intra-hépatocytaire.

-         alanine issue de la protéolyse des fibres musculaires striées.

-         lactate issu des tissus périphériques (cycle de Cori). Il a été récemment démontré que la glycolyse anaérobie est augmentée dans les tissus endommagés indépendamment de toute hypoxie mais proportionnellement à la concentration de cellules inflammatoires(10).

-         glycérol issu de la lipolyse des adipocytes. Cette lipolyse produit aussi une quantité importante d’acides gras libres qui inhibent également les récepteurs insuliniques et participent à l’insulino-résistance.

 

Dans l’hyperglycémie de stress, le site principal d’insulinorésistance est le foie. La production hépatique de glucose est augmentée de 50 à 200%, malgré la présence d’une hyperinsulinémie. L’alanine et le lactate semblent être les précurseurs les plus importants, dans les situations de stress(2,6-8). Par ailleurs, la production rénale de glucose est également augmentée.

 

Utilisation du glucose

 

L’oxydation du glucose est globalement  augmentée dans les situations de stress(2,7,8) Cependant, les mécanismes impliqués diffèrent selon le type de tissu. Schématiquement, les tissus peuvent être scindés en deux groupes :

-         Un groupe insulino-indépendant comprenant principalement le système nerveux, les leucocytes, les érythrocytes et le système réticulo-endothélial. Dans ce groupe insulino-indépendant, la capture et l’utilisation du glucose sont fortement majorées(8,11). La capture du glucose est médiée par la protéine GLUT-1 qui capture le glucose le plus souvent proportionnellement à sa concentration plasmatique. L’hyperglycémie sévère entraîne une down-régulation de GLUT-1(12).  GLUT-1 est up-régulée entre autre par l’hypoxie, TNF alpha, IL-1(2) et d’autres cytokines.

 

-          Un groupe insulino-dépendant pour lequel l’utilisation du glucose est contrôlé par l’insuline : on y retrouve entre autre le cœur, les muscles, le foie, les adipocytes. La stimulation insulinique entraîne, par une série de phosphorylations, l’activation du transporteur de glucose GLUT-4, présent exclusivement dans les tissus insulino-dépendants(6,7). Ce mécanisme est altéré au cours d’états infectieux sévères(13) et dans les autres états d’hyperglycémie de stress(9). Une fois entré dans la cellule, l’oxydation glucidique (impliquant la glycolyse et le cycle de l’acide tricarboxylique) est probablement réduite dans les situations de stress métabolique intense(2), quoique cette constatation n’a pas été retrouvée de manière univoque(7,11,14). Enfin, les mécanismes de stockage du glucose sous forme de glycogène sont également altérés dans les tissus insulino-dépendants(2,8,15).

L’insulinothérapie intensive visant à amener la glycémie du patient aux alentours de 100 mg/dL a comme site d’action principal les muscles et les adipocytes par up-régulation de GLUT4(12). L’insulino-résistance hépatique est telle que l’insulinothérapie intensive n’a pas de répercussions(12).

 

EFFETS DELETERES DE L’HYPERGLYCEMIE

 

Hyperglycémie d’admission et pronostic

A l’admission aux soins intensifs, l’hyperglycémie est un facteur pronostic péjoratif indépendant pour tout patient et tout motif d’admission confondus(16).

En chirurgie, l’insulino-résistance post-opératoire se développe après toute chirurgie, est un facteur pronostic indépendant expliquant les variations de durée de séjour après une chirurgie non compliquée et est corrélée à la récupération et à la mortalité(9).

 

Cytotoxicité et apoptose

Une théorie émergente actuelle est que la défaillance d’organe serait liée à une perturbation du métabolisme énergique cellulaire(17,18). Cette perturbation a dans un premier temps été attribuée exclusivement à une perfusion tissulaire inadaptée entraînant une hypoxie cellulaire. Cependant, des études plus récentes ont montré chez les patients de soins intensifs, une anomalie d’utilisation plutôt que d’apport d’oxygène que l’on a appelé « hypoxie cytopathique » (cytopathic hypoxia) (17,19,20). Si de nombreuses techniques de réanimation nous permettent d’améliorer l’apport tissulaire en oxygène, peu de techniques permettent d’améliorer son utilisation. Le contrôle strict de la glycémie en est une(12):

GLUT-1 en cas de stress ou d’hypoxie est activée par les divers médiateurs présents. Lors d’une hyperglycémie, il y aura donc une surcharge cellulaire en glucose surtout dans les tissus riches en GLUT-1 (neurones, endothélium, leucocytes,…). En passant par la glycolyse, le glucose va produire de nombreux agents oxydants (anion superoxide, peroxynitrite) via la chaîne respiratoire mitochondriale(21). D’autre part, de nombreuses glycosylations non enzymatiques vont se produire. Tous ces phénomènes conduiront la cellule à l’apoptose. Normaliser la glycémie permettra de réduire le stress oxydant délétère à la cellule.

 

Augmentation du risque infectieux

 

L’augmentation du risque infectieux au cours d’un épisode d’hyperglycémie est connu depuis longtemps chez le patient diabétique avec plus de 100 publications depuis 1960(6,7,22,23). Dans l’étude de van den Berghe déjà citée(4), la morbidité septique a été réduite indépendamment de la présence d’un diabète. Dans deux études rétrospectives chez le brûlé, l’incidence des bactériémies, des fungémies, des infections de plaie et de la mortalité a été diminuée suite à une insulinothérapie visant à maintenir la glycémie inférieure à 7,8mmol/l (140mg/dl)(24,25). De même, d’autres études récentes après chirurgie cardiaque chez le diabétique ont montré que, comparé à un traitement insulinique standard,  la titration d’insuline IV pour obtenir une glycémie entre 8 et 11,1 mmol/l (145-200 mg/dL) était associée à une réduction significative du taux d’infection profonde de cicatrice sternale(26,27). Dans une population similaire de patients diabétiques en chirurgie cardiaque, un traitement insulinique intensif visant une glycémie entre 5,6 et 8,3 mmol/l (100-150 mg/dL) évitait en partie la diminution post-opératoire de la phagocytose des polynucléaires neutrophiles habituellement rencontrée après ce type de chirurgie(28).

 

L’activité des polynucléaires neutrophiles est altérée chez le diabétique proportionnellement au degré d’hyperglycémie(6,7,22,23). En fait, l’hyperglycémie aiguë est associée à une réduction de la réserve oxydative des leucocytes, même en l’absence de diabète(29,30). D’autre part, les leucocytes des patients diabétiques présentent une diminution de leur activité bactéricide intracellulaire et de leur activité opsonique. Ces diminutions se normalisent à l’introduction d’une insulinothérapie plus stricte(28,31,32). Un autre mécanisme potentiel d’immunodépression est la glycosylation non-enzymatique des immunoglobulines humaines qui se produit dans des solutions riches en glucose. Cette glycosylation altère leur capacité de liaison aux antigènes(33). D’autre part, dans un environnement hyperglycémique, les infections à Candida albicans sont plus fréquentes, suite à l’expression par ce champignon de la protéine CR3-like, qui inhibe la phagocytose médiée par le complément(31,34). Rappelons aussi que les leucocytes étant riches en GLUT-1, ils peuvent aussi être détruit par effet toxique de l’hyperglycémie (cf. paragraphe précédent). Enfin, la croissance bactérienne peut être accrue par la présence d’un œdème tissulaire lié au pouvoir osmotique de l’hyperglycémie(32).

 

Inhibition de la cicatrisation ;  catabolisme

L’inhibition de la cicatrisation (habituellement rencontrée chez le diabétique) est également liée à une glycosylation accélérée du collagène nouvellement synthétisé, associé à une augmentation d’activité des collagénases entraînant une diminution du contenu cicatriciel en collagène(26). L’insuline influence positivement la balance azotée, supprime la protéolyse, évite la fonte musculaire et augmente la synthèse en collagène grâce à ses propriétés anti-cataboliques(21,35,36). L’insuline stimule aussi la prolifération cellulaire. Ces effets ont, par exemple, permis une guérison plus rapide des patients gravement brûlés soumis à une insulinothérapie intensive(24,25).

 

 

Effets délétères sur le myocarde

L’hyperglycémie de stress est associée à un pronostic défavorable au cours de l’infarctus du myocarde. Chez les patients présentant un infarctus du myocarde aigu, la glycémie d’admission est un facteur prédictif indépendant des dommages cardiaques et de mortalité à long terme, même chez le non-diabétique(37).

D’autre part, chez le diabétique, l’administration d’insuline titrée pour atteindre une glycémie inférieure à 11 mmol/l (200mg/dL) après infarctus du myocarde est associée à une amélioration importante et significative de nombreux éléments pronostiques comprenant la mortalité à long terme(38), le taux de récidive, la décompensation cardiaque et la survenue de troubles cardio-vasculaires majeurs(39).

Les mécanismes impliqués sont partiellement élucidés. Ils comprennent l’altération par l’hyperglycémie de la contractilité cardiaque, de la vasodilatation endothéliale coronaire NO-dépendante (eNOS)(40,41) et un état pro-thrombotique lié à une fonction plaquettaire altérée (normalisée par une insulinothérapie), à une activation du facteur von Willebrand et une activité réduite du plasminogen activator inhibitor 1 (PAI 1) et du thromboxane A2(42). A contrario, l’insuline possède un effet inverse à l’hyperglycémie sur eNOs de l’endothélium coronaire entraînant une vasodilatation coronaire(43) et on a pu aussi constater un effet direct anti-apoptotique de l’insuline  sur les myocytes par activation directe de la voie de la phosphatidylinositol-3-kinase Akt(44).

De plus, biochimiquement, l’hyperglycémie est associée à une lypolyse accrue et à une augmentation de la concentration plasmatique des acides gras libres. Ces acides gras sont toxiques pour le myocarde ischémique et entraînent la destruction des membranes cellulaires myocardiques, une surcharge calcique et une augmentation d’incidence des arythmies(42). Cette dyslipémie peut être partiellement corrigée par une insulinothérapie intensive(45).

Enfin l’hypovolémie incontrôlée liée à une diurèse osmotique peut aggraver le statut hémodynamique des patients hyperglycémiques.

 

Effet délétère sur le cerveau ischémique

Comme constaté chez les patients présentant un infarctus du myocarde, l’hyperglycémie d’admission dans le décours d’une ischémie cérébrale focale ou globale est associée à une mortalité doublement à triplement accrue et à une altération significative de la récupération fonctionnelle(46-49).

Chez les patients présentant un accident vasculaire cérébral non lacunaire, l’hyperglycémie d’admission est un facteur prédictif indépendant de mauvais pronostic(50).

De même, dans le décours d’un traumatisme crânien sévère, la glycémie d’admission et postopératoire peut servir de facteur pronostic précoce : une glycémie de 11,1 mmol/l (200 mg/dL) ou plus au cours des 24 premières heures est associée à un pronostic sombre(51).

Les mécanismes impliqués ont été étudiés sur différents modèles animaux(41,46,48). Ils comprennent l’altération par l’hyperglycémie de la vasodilatation endothéliale (eNOS) normalement active aux stades précoces de l’ischémie cérébrale. Cette altération entraîne l’élargissement de l’infarctus et de la perte neuronale.

L’hyperglycémie entraîne également un œdème cérébral et peut mener à la rupture de la barrière hémato-encéphalique et finalement à la transformation hémorragique de l’infarctus.

De plus, L’hyperglycémie provoque une augmentation de concentration tissulaire en lactate qui mène à une majoration de l’acidose métabolique. Cette acidose aggrave les lésions ischémiques par formation de radicaux libres altérant les signaux intracellulaires et activant les endonucléases.

Des études récentes ont aussi montré que l’hyperglycémie est associée à la libération de glutamate, un acide aminé excitateur pouvant se révéler neurotoxique lors d’ischémie.

 

Concernant l’insulinothérapie intensive, des améliorations dans le taux de survie et dans le pronostic neurologique ont été reportés suite à l’utilisation d’insuline sur différents modèles(49,52,53). L’insuline décroît l’uptake de GABA par les astrocytes(54). Cette disponibilité accrue du GABA permet des courants inhibiteurs post synaptiques de plus grande amplitude, potentiellement neuroprotecteurs. Dans l’étude van den Berghe(4), on constatait un diminution d’incidence de convulsions, une réduction de la pression intracrânienne et une réduction d’incidence de polyneuropathies dans le groupe traité par insulinothérapie intensive. Quoi qu’il en soit, l’effet d’une insulinothérapie intensive sur le pronostic des accidents vasculaires cérébraux mérite d’autres études cliniques et une large étude spécifique est en cours(48).

 

Rôle anti-inflammatoire de l’insuline

L’hyperglycémie est en soi pro-inflammatoire entraînant la libération de nombreux médiateurs tels qu’IL-8(55,56).

L’insuline réduit le taux de CRP plasmatique indépendamment de ses effets sur les infections(57). Elle réduit la production de TNF alpha, de MIF (Macrophage migration inhibitory factor), d’IL1, d’IL6 et d’anion superoxide(58).

 

Effets sur la mortalité

Dans une étude rétrospective, Finney(59) et coll. ont confirmé une diminution de mortalité chez des patients de soins intensifs chirurgicaux grâce à l’administration d’une insulinothérapie visant une glycémie inférieure à 8 mmol/l (145 mg/dL).

Krinsley(60) a récemment confirmé les résultats de van den Berghe dans une autre étude rétrospective mais cette fois dans une population de soins intensifs médico-chirurgicale.

 

Insuline ou normoglycémie ?

L’hyperglycémie possède de nombreux effets délétères et l’insuline de nombreux effets bénéfiques. Le grand débat actuel est donc de savoir qu’est ce qui sauve des vies dans l’étude van den Berghe(4): la normoglycémie ou l’insulinothérapie ?

Greet van den Berghe a apporté un élément de réponse en proposant une analyse multivariée statistique des résultats de son étude(61). Elle conclut que le contrôle de la glycémie est significativement associé à une diminution de mortalité contrairement à la dose d’insuline administrée. Elle insiste aussi sur le fait qu’il existe certes un gain de mortalité lorsqu’on abaisse la glycémie sous 8,2mmol/L (150mg/dL) mais que l’on gagne encore au moins 10% de réduction de mortalité en s’efforçant de viser la barre des 6,1 mmol/L (110mg/dL).

Une autre constatation étonnante de l’analyse de ses résultats par son équipe est que l’effet de l’insulinothérapie sur le profil lipidémique des patients expliquait une part significative des résultats sur la mortalité et sur la morbidité et qu’étonnement, cette part dépassait celle du contrôle de la glycémie(45) !

 

La peur de l’hypoglycémie, les difficultés de mise en pratique

Maintenir une glycémie entre 4,4 et 6,1 mmol/L (80-110 mg/dL) chez un patient de soins intensifs souvent inconscient fait redouter l’hypoglycémie. Dans l’étude van den Berghe(4), l’incidence des hypoglycémies dans le groupe insulinothérapie intensive est passé de 2 à 5%. Aucune ne s’est soldée de complication hémodynamique ou neurologique. Krinsley(60) ayant suivi le même schéma a observé une incidence similaire d’hypoglycémie. Même si la mise en pratique d’un protocole d’insulinothérapie intraveineuse stricte peut être difficile et risqué, un protocole bien conçu permet dans une large mesure de prévenir le risque d’hypoglycémie. L’espoir d’un bénéfice important pour les patients lié à cette modalité thérapeutique justifie l’élaboration et l’application de tels protocoles comme le montrent les études passées en revue dans cet article.

 

CONCLUSION

 

L’hyperglycémie est un état fréquemment rencontré aux soins intensifs. Elle est la conséquence des nombreuses modifications humorales liées à la réaction de stress. Le maintien d’une glycémie normale via une insulinothérapie intensive a montré son efficacité dans la réduction de la mortalité et de la morbidité. C’est pourquoi l’hyperglycémie ne devrait plus être considérée comme un simple marqueur de la gravité de la maladie mais devrait être traitée agressivement. D’autre part, hormis son effet sur la glycémie, l’insuline pourrait avoir d’autres actions directes bénéfiques. Un dernier argument pour l’usage généralisé d’une insulinothérapie intensive aux soins intensifs est son coût, sa disponibilité, sa sécurité et sa facilité d’utilisation.

 


 

REFERENCES

 

1.            Devos P, Preiser JC – Current practice of glycaemia control in European intensive care units – Acta Gastro-enterologica Belgica – 2005 – Belgian week - Oral session Abstract X03

2.            Mizock BA. - Alterations in carbohydrate metabolism during stress: a review of the literature. - Am J Med 1995;98:75-84.

3.            Ljunqvist O et Al. – Effect of food deprivation on survival after haemorrhage in the rat – Circulatory shock 1987;22:251-260

4.            Van den Berghe G, Wouters P, Weekers F, et al. - Intensive insulin therapy in the surgical intensive care unit.- N Engl J Med 2001;345:1359-67.

5.            Bernard Claude  – Leçons sur le diabète et la glycogenèse animale – Paris, Ed. Baillière. 1877 ; P.210

6.            McCowen KC, Malhotra A, Bristrian BR. - Stress-Induced Hyperglycemia (review). - Crit Care Clin 2001;17:107-124

7.            Mizock BA. - Alterations in fuel metabolism in critical illness: hyperglycaemia. - Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2001;15:533-551.

8.            Avignon A et Monnier L. - Insulinosensibilité et situation de stress. - Diabetes Metab 2001;27:233-238.

9.            Ljungqvist O, Nygren J, Thorell A – Insulin resistance and elective surgery – Surgery 2000;128 :757-760

10.        Daley JM, Shearer JD, Caldwell MD. - Glucose metabolism in injured tissue: a longitudinal study. - Surgery 1990;107:187-192.

11.        Shangraw RE, Jahoor F, Miyoshi H, Neff WA, Stuart CA, Herndon DN et al – Differentiation between septic and postburn insulin resistance - Metabolism 1989;38: 983-989.

12.        van den Berghe G  - How does blood glucose control with insulin saves lives in intensive care? – Journal of Clinical Investigation  2004;114:1187-1195

13.        Fan J, Li YH, Wojnar MM – Endotoxin-induced alterations in insulin-stimulated phosphorylation of insulin receptor IRS 1, and MAP kinase in skeletal muscle. - Shock 1996; 6:164-170.

14.        Wolfe RR, Jahoor F, Herndon DN – Isotopic evaluation of the metabolism of pyruvate and related substrate in normal adult volunteers and severely burn children : effect of dichloroacetate and glucose infusion. - Surgery 1991;110:54-67.

15.        Virkamaki A, Yki-Jarvinen H. - Mechanisms of insulin resistance during acute endotoxemia. - Endocrinology 1994;134 : 2072-2078.

16.        Umpierrez GE, Isaacs SD, Bazargan N, You X, Thaler LM, Kitabchi AE.- Hyperglycemia: an independent marker of in-hospital mortality in patients with undiagnosed diabetes. - J Clin Endocrinol Metab. 2002 ;87:978-82.

17.        Finck MP – Cytopathic hypoxia. Mitochondrial dysfunction as a mechanism contributing to organ dysfunction in sepsis. - Crit Care Clin. 2001;17:219-237

18.        Brealey D, Brand M, Hargreaves I, Heales S, Land J, Smolenski R, Davies NA, Cooper CE, Singer M. - Association between mitochondrial dysfunction and severity and outcome of septic shock.- Lancet. 2002;360:219-23.

19.        Brealey D, Singer M.- Mitochondrial Dysfunction in Sepsis. - Curr Infect Dis Rep. 2003;5:365-371. 

20.        Crouser ED, Julian MW, Blaho DV, Pfeiffer DR. - Endotoxin-induced mitochondrial damage correlates with impaired respiratory activity. - Crit Care Med. 2002;30:276-84.

21.        Vanhorebeek I et Al. – Protection of hepatocyte mitochondrial ultrastructure and function by strict blood glucose control with insulin in critically ill patients -The Lancet  2005;365:53-59

22.        Fietsam RJ, Bassett J, Glover JL. - Complications of coronary artery surgery in diabetic patients. - Am Surg  1991;57:551-557.

23.        Pozzilli P, Leslie RD. - Infections and diabetes: mechanisms and prospects for prevention.  -Diabet Med  1994;11:935-941.

24.        Gore DC, Chinkes D, Heggers J, Herndon DN, Wolf SE, Desai M. - Association of hyperglycemia with increased mortality after severe burn injury.- J Trauma 2001;51:540-544.

25.        Mowlavi A, Andrews K, Milner S, et al . - The effects of hyperglycemia on skin graft survival in the burn patient. - Ann Plast Surg 2000 ;45:629-632.

26.        Furnary AP, Zerr KJ, Grunkemeier GL, Starr A. - Continuous intravenous insulin infusion reduces the incidence of deep sternal wound infection in diabetic patients after cardiac surgical procedures. - Ann Thorac Surg  1999;67:352-360.

27.        Zerr KJ, Furnary AP, Grunkemeier GL, et al. - Glucose control lowers the risk of wound infection in diabetics after open heart operations. - Ann Thorac Surg.  1997;63:356-361.

28.        Rassias AJ, Marrin CA, Arruda J et al. - Insulin infusion improves neutrophil function in diabetic cardiac surgery patients. - Anesth Analg  1999;88:1011-1016.

29.        Kwoun MO, Ling PR, Lydon E, et al. - Immunologic effects of acute hyperglycemia in nondiabetic rats. - JPEN J Parenter Enteral Nutr 1997;21:91-95.

30.        Nielson CP, Hindson DA. - Inhibition of polymorphonuclear leukocyte respiratory burst by elevated glucose concentrations in vitro. - Diabetes 1989;38:1031-1035.

31.        Geerlings SE, Hoepelman AI. - Immune dysfunction in patients with diabetes mellitus (DM). - FEMS Immunol Med Microbiol 1999;26:259-265.

32.        Rayfield EJ, Ault MJ, Keusch GT, et al. - Infection and diabetes: the case for glucose control. - Am J Med  1982;72:439-450.

33.        Black CT, Hennessey PJ, Andrassy RJ. - Short-term hyperglycemia depresses immunity through nonenzymatic glycosylation of circulating immunoglobulin. - J Trauma  1990;30:830-832.

34.        Hostetter MK, Lorenz JS, Preus L, Kendrick KE. - The iC3b receptor on Candida albicans: subcellular localization and modulation of receptor expression by glucose. - J Infect Dis  1990;161:761-768.

35.        Ferrando AA, Chinkes DL, Wolf SE, et al. - A submaximal dose of insulin promotes net skeletal muscle protein synthesis in patients with severe burns. - Ann Surg  1999;229:11-18.

36.        Yuill KA, Richardson RA, Davidson HI, Garden OJ, Parks RW.- The administration of an oral carbohydrate-containing fluid prior to major elective upper-gastrointestinal surgery preserves skeletal muscle mass postoperatively--a randomised clinical trial. - Clin Nutr. 2005;24:32-7. 

37.        Bolk J, van der Ploeg T, Cornel JH, et al. - Impaired glucose metabolism predicts mortality after a myocardial infarction. - Int J Cardiol 2001;79:207-214.

38.        Malmberg K, Norhammar A, Wedel H, Ryden L. - Glycometabolic state at admission: important risk marker of mortality in conventionally treated patients with diabetes mellitus and acute myocardial infarction: long-term results from the Diabetes and Insulin-Glucose Infusion in Acute Myocardial Infarction (DIGAMI) study. - Circulation 1999;99:2626-2632.

39.        Norhammar AM, Ryden L, Malmberg K.- Admission plasma glucose. Independent risk factor for long-term prognosis after myocardial infarction even in nondiabetic patients. - Diabetes Care  1999;22:1827-1831.

40.        Akbari CM, Saouaf R, Barnhill DF, et al. - Endothelium-dependent vasodilatation is impaired in both microcirculation and macrocirculation during acute hyperglycemia. - J Vasc Surg  1998;28:687-694.

41.        Williams SB, Goldfine AB, Timimi FK,  et al. - Acute hyperglycemia attenuates endothelium-dependent vasodilation in humans in vivo. - Circulation  1998;97:1695-1701.

42.        Capes SE, Hunt D, Malmberg K, Gerstein HC. - Stress hyperglycaemia and increased risk of death after myocardial infarction in patients with and without diabetes: a systematic overview.  - Lancet 2000;355:773-778.

43.        Aljada A and Dandona P. - Effect of insulin on human aortic endothelial nitric oxide synthase. - Metabolism 2000;49:147–150

44.        Gao F et Al. – Nitric oxide mediates the antiapoptotic effect of insulin in myocardial ischemia reperfusion : the role of PI3-kinase, Akt and eNOS phosphorylation – Circulation 2002 ;105:1497-1502

45.        Mesotten D et Al. – Contribution of circulating lipids to the improved outcome of critical illness by glycemic control with intensive insulin therapy – J Clin Endocrinol Metab 2004 ;89:219-226

46.        Capes SE, Hunt D, Malmberg K, et al. - Stress hyperglycemia and prognosis of stroke in nondiabetic and diabetic patients: a systematic overview.  - Stroke 2001 ;32:2426-2432

47.        Kagansky N, Levy S, Knobler H. - The role of hyperglycemia in acute stroke.  -Arch.Neurol.2001;58:1209-1212.

48.        Scott JF, Robinson GM, French JM, et al . - Glucose potassium insulin infusions in the treatment of acute stroke patients with mild to moderate hyperglycemia: the Glucose Insulin in Stroke Trial (GIST). - Stroke  1999;304:793-799.

49.        Sieber FE, Traystman RJ. - Special issues: glucose and the brain. - Crit Care Med  1992;20:104-114.

50.        Bruno A, Biller J, Adams HPJ, et al. - Acute blood glucose level and outcome from ischemic stroke. Trial of ORG 10172 in Acute Stroke Treatment (TOAST) Investigators. - Neurology  1999;52:280-284.

51.        Rovlias A, Kotsou S. - The influence of hyperglycemia on neurological outcome in patients with severe head injury. - Neurosurgery 2000;46:335-342.

52.        Hamilton MG, Tranmer BI, Auer RN. - Insulin reduction of cerebral infarction due to transient focal ischemia.  - J.Neurosurg  1995;82:262-268.

53.        Voll CL, Whishaw IQ, Auer RN. - Postischemic insulin reduces spatial learning deficit following transient forebrain ischemia in rats. - Stroke  1989;20:646-51.

54.        Vincent AM et Al – Oxidative stress and programmed cell death in diabetic neuropathy – Ann N.Y. Acad. Sci 2002 ;959:368-383

55.        Dandona P et Al - The potential therapeutic role of insulin in acute myocardial infarction in patients admitted to intensive care and in those with unspecified hyperglycemia – Diabetes care 2003 : 516-519

56.        Chettab K. – Acute hyperglycemia induces changes in the transcription levels of 4 major genes in human endothelial cells : macroarrays-based expression analysis – Thromb haemost 2002;87:141-148

57.        Hansen T.K. et Al. – Intensive insulin therapy exerts antiinflammatory effects in critically ill patients and counteracts the adverse effects of low mannose-binding lectin protein levels – J. Clin. Endocrinol. Metab. 2003;88:1082-1088

58.        Das Undurti  - Current advances in sepsis and septic shock with particular emphasis on the role of insulin. (Review)- Med Sci Monit. 2003:RA181-92. 

59.        Finney SJ, Zekveld C, Elia A, Evans TW.- Glucose control and mortality in critically ill patients - JAMA. 2003 ; 290:2041-7.

60.        Krinsley J S – Effect of an intensive glucose management protocol on the mortality of critically ill adult patient – Mayo Clin Proc. 2004;79:992-1000

61.        Van den Berghe G, Wouters PJ, Bouillon R, Weekers F, Verwaest C, Schetz M, Vlasselaers D, Ferdinande P, Lauwers P. -  Outcome benefit of intensive insulin therapy in the critically ill: Insulin dose versus glycemic control. - Crit Care Med. 2003 ;31:359-66.