OPTIMISATION TRANSFUSIONNELLE
Auteur :M PIAGNERELLI
Département des Soins Intensifs Hôpital Universitaire Erasme
1070-Bruxelles. Belgique
L'anémie est un problème fréquent chez les malades de réanimation, si bien que bon nombre d'entre eux nécessitent une transfusion sanguine au cours de leur séjour.
Indications des transfusions
1. Augmenter les apports en oxygène aux tissus. Le taux d'hémoglobine est avec le débit cardiaque et la PaO2 un déterminant essentiel du transport d'oxygène. Il faut néanmoins souligner que les transfusions n'augmentent pas nécessairement le transport d'oxygène. En effet, l'augmentation du nombre de globules rouges (GR) circulants augmente la viscosité sanguine, ce qui peut diminuer le débit cardiaque, si bien que la DO2 n'augmente pas nécessairement de manière significative. Par ailleurs, une certaine diminution d'hématocrite peut avoir des effets bénéfiques sur la microcirculation. Les capacités d'extraction d'oxygène sont d'ailleurs plus grandes lorsque l'hématocrite est diminué tant dans des conditions physiologiques (1) qu'au cours du sepsis (2).
Il faut également souligner que les transfusions sanguines augmentent rarement la consommation d'oxygène (VO2), excepté dans les situations extrêmes où celle-ci est directement dépendante de la DO2. Il s'agit essentiellement d'états de choc circulatoire associés à une hyperlactatémie (3) ou encore dans des cas d'anémie sévère avec des taux d'hémoglobine généralement inférieurs à 6 g/dl (4).
2. Eviter l'ischémie myocardique. Chez l'individu au repos, le sang du sinus coronaire est déjà profondément désaturé, si bien que, les réserves d'extraction d'oxygène par le myocarde sont très limitées. Au cours de l'anémie, l'augmentation du débit cardiaque : par l'augmentation du volume éjectionnel et de la fréquence cardiaque (principalement sous l'effet de la diminution de viscosité et de la stimulation adrénergique) augmente forcément les besoins en oxygène du myocarde et met ainsi en danger la relation entre demande et transport en oxygène. L'anémie est évidemment mal tolérée au cours des épisodes coronariens aigus. Cet élément pourrait également rendre compte de certaines études montrant le bénéfice de la transfusion chez les malades ayant un syndrome coronarien aigu (5,6).
3. Maintenir une réserve en cas de saignement ultérieur. En effet, il ne faut pas nécessairement attendre que le taux d'hémoglobine se soit abaissé en dessous d'un certain seuil chez des malades présentant une hémorragie active.
Effets secondaires liés aux transfusions
La conservation altère la forme et le métabolisme des GR (« storage lesions »)(9).
Les altérations de forme observées (échinocytes) (10) sont, à la fois secondaire, à des
altérations de l’asymétrie membranaire et à la diminution du contenu érythrocytaire en
adénosine tri phosphate (ATP) nécessaire au fonctionnement des canaux et pompes ioniques
membranaires. Ces modifications constitutionnelles du GR au cours de sa conservation
pourraient s’accompagner d’une difficulté de transporter l’oxygène mais ceci reste
actuellement controversé dans la littérature (11-13).
En 1999, dans une étude multicentrique, randomisée Hébert et al. (14) ont montré qu’une
stratégie transfusionnelle stricte (concentration d’hémoglobine maintenue entre 7-9 g/dL)
était au moins aussi efficace en terme de morbidité et mortalité qu’une stratégie plus libérale
(entre 10-12 g/dL) surtout pour certains sous-groupes de patients. Cette étude a changé nos
pratiques transfusionnelles qui actuellement tendent à diminuer le seuil d'hémoglobine
transfusionnel (15).
Plus récemment, l'étude ABC (Anemia and Blood Transfusion) (16) , a permis de mettre en
évidence un effet délétère des transfusions en utilisant différentes méthodes statistiques
rigoureuses. En effet, la mortalité globale était de 13,5% : 18,5% pour les malades transfusés et 10,1% pour les malades non transfusés (p < 0.001). Bien entendu, la mortalité était plus élevée chez les malades anémiés mais une analyse multi-variée a indiqué que la transfusion plus que l'anémie était un facteur pronostique indépendant.
Par contre l'étude SOAP (17), menée deux ans et demi plus tard, n'a plus pu mettre en évidence l'effet délétère des transfusions. Peut-être s'agit-il d'un effet favorable de la déleucocytation qui est maintenant largement appliquée dans les pays européens.
Le moment semble venu de répéter une étude prospective contrôlée randomisée, similaire à celle réalisée par Hébert et collaborateurs (14) car les transfusions sanguines pourraient être plus sûres aujourd'hui.
Références