L’infirmière et hémovigilance

La transfusion : les vrais risques en 2006.

 

Anne MAREY

 

Le risque transfusionnel, bien qu’ayant beaucoup évolué depuis « l’affaire du sang contaminé », reste encore très présent dans les mémoires.

 

Les risques liés au produit, bien que toujours présents avec une incidence nettement moindre, font l’objet d’actions constantes de prévention relevant principalement des Etablissements de Transfusion (ETS). Les risques liés aux erreurs humaines persistent toujours et concernent bien plus les Etablissements de Soins (ES) que les ETS.

 

Le risque immunologique, toujours d’actualité,  est estimé à 1/10 000.

Il court de l’allo-immunisation post-transfusionnelle aux accidents par conflit immunologique qui représentent 1/30 000 Produits Sanguins Labiles (PSL) transfusés pour les accidents hémolytiques, parmi lesquels les  incompatibilités ABO, avec encore plus d’une erreur par mois en France, et 3 à 4 décès par an. La Recherche systématique des Anticorps Irréguliers anti-érythrocytaires (RAI) avant transfusion prévient les accidents hémolytiques hors ABO. En revanche, pour les accidents ABO, la maîtrise du contrôle pré-transfusionnel ultime est le seul dernier rempart.

Les  conflits immuno-allergiques (1 cas sur 100 à 1000) pouvant aller du simple urticaire jusqu’au choc anaphylactique, peuvent être prévenus par le recours à des concentrés plaquettaires Tsol, voire à la déplasmatisation. La transfusion a impact indéniable sur l’immuno-modulation.

 

Les dysfonctionnements sans conséquence pour le patient, lits des accidents ABO, en particulier les erreurs d’attribution, sont sous-estimés. L’AFSSAPS met l’accent sur leur déclaration à but pédagogique, afin d’améliorer les pratiques professionnelles et de diminuer les risques inacceptables d’erreur humaine.

 

Le risque de surcharge volémique, bien que probablement sous-estimé, est significatif. Il représente 3% des incidents transfusionnels déclarés. Il est souvent dû à une mésestimation de la quantification des apports en regard de la pathologie du patient  et/ou de son âge.

 

Le risque bactérien est encore estimé à 1/178 000 PSL distribués, malgré la déleucocytation, le détournement des 30 premiers millilitres prélevés et l’interrogatoire à la recherche d’une éviction temporaire.  Il concerne principalement les concentrés plaquettaires (1/15 à 30 000).  Le dépistage de bactériémie sur les PSL est  sur le point d’être mis en place.

 

Le TRALI (Transfusion Related Acute Lung Injury) ou Syndrome de Détresse respiratoire Aigu (SDRA) transfusionnel est peut-être sous-estimé. Survenant sur terrain prédisposé, il représentait aux USA en 2000 la 3ème cause de décès rapporté à la transfusion. L’étiologie mettrait en cause en particulier des anticorps agressant directement les polynucléaires neutrophiles. La positivité des anticorps anti-granuleux chez les donneuses immunisées par grossesses aboutit à leur exclusion définitive du don.

 

A ce jour, le risque viral résiduel est le moins préoccupant. En effet, non seulement les tests sérologiques ont progressé en terme de sensibilité et de spécificité, mais la mise en œuvre du dépistage génomique viral (DGV) VIH et VHC a permis de réduire de façon conséquente la fenêtre muette. De ce fait, le risque résiduel est estimé à ce jour à environ 1/3 150 000 pour le VIH et 1/10 000 000 pour le VHC. Le risque VHB est théoriquement estimé à 1/640 000.

D’autres virus sont également transmissibles par transfusion : le CMV, le HTLV. La déleucocytation contribue à la réduction du risque viral lié à ces 2 virus, de même que la détection biologique systématique du HTLV et la sélection de dons CMV négatif chez les patients à risque.

 

Les risques émergents dus aux Agents Transmissibles Non Conventionnels (ATNC) seraient dus à la couche leucoplaquettaire. Des cas récents ont été rapportés de possible transmission inter-humaine du nouveau variant de Creutzfeld Jacob d’origine alimentaire. Ce risque serait prévenu, d’une part pour partie par la déleucocytation systématique des PSL, d’autre part par l’éviction des donneurs ayant séjourné en UK pendant plus de 1 an entre 1980 et 1996 et un interrogatoire ciblé.

 

L’éviction du don des personnes avec antécédents transfusionnels, édictée en septembre 1997, contribue à la prévention des risques encore inconnus à ce jour.

           

Le risque de décès par non transfusion est un effet indésirable potentiel d’origine humaine de découverte relativement récente et mal évalué. Les causes en sont plurifactorielles, soit liées à des problèmes logistiques ou d’anticipation des besoins, soit beaucoup plus rarement par inappropriation d’une réflexion bénéfice/risque basée sur le fantôme du risque viral de 1985.

 

En conclusion, les vrais risques transfusionnels en 2006 sont plutôt liés à l’être humain qui utilise la thérapeutique transfusionnelle, qu’à la nature humaine intrinsèque du produit sanguin. Leur prévention passe par une indication pertinente et appropriée des PSL et par une maîtrise rigoureuse des différents maillons de la chaîne de sécurité transfusionnelle par l’ensemble des professionnels concernés.