HYPERTHERMIE MALIGNE : QUOI DE NEUF ?

R. KRIVOSIC-HORBER
Lille (France)

L

‘hypertermie maligne de l’anesthésie (HM) découverte au début des années 60 en Australie devant plusieurs cas mortels chez des patients d’une même famille ayant présenté une hyperthermie à la suite d’une exposition à l’halothane doit rester au premier plan des préoccupations des anesthésistes-réanimateurs. En effet, l’administration de l’un des cinq anesthésiques halogénés actuellement commercialisés et/ou du curare dépolarisant : succinylcholine, peut déclencher une crise chez un sujet sensible, crise qui peut conduire à la mort en l’absence de diagnostic et de traitement suffisamment précoces. La fréquence de la présence du génotype HM n’est toujours pas connue, elle est probablement inférieure à 1/100 000. On peut estimer à 200, le nombre de familles françaises comportant au moins un sujet dont la sensibilité à l’HM est prouvée par des tests de contracture halothane/caféine (TCHC) réalisés dans un des quatre laboratoires français.

Les trois points qui vont être développés dans l’exposé sont les suivants : Evolution de la mortalité de la crise HM, application de la nouvelle circulaire concernant le dantrolène, place de la génétique dans le diagnostic de la sensibilité HM.

1)      Evolution de la mortalité au cours de la crise

L’analyse de cinquante crises HM prouvées par la réalisation de tests de contracture halothane/caféine réalisés dans l’unité HM du CHR de Lille permet de montrer l’évolution au cours du temps et de mettre en évidence des facteurs influençant la mortalité. La période analysée est de 30 ans : 1969 à 1999. La mortalité globale est de 37 % avec une différence significative entre la période avant 1989 : 50 % (14/28) contre 18 % après 1990 (4/22). Les facteurs déterminants pour la survie sont : l’âge, la durée d’exposition aux anesthésiques halogénés et le délai d’administration du dantrolène. Les 16 patients qui ont survécu sans dantrolène ont un âge moyen de 8 ans contre 16 ans pour l’ensemble de la population (p<0,01), une durée d’exposition aux anesthésiques halogénés de 21 minutes contre 59 minutes pour l’ensemble de la population (p<0,01). Dans 7 cas, l’induction était réalisée par halogénés et succinylcholine entraînant un spasme des masséters conduisant à l’arrêt de l’administration d’anesthésiques halogénés. La médiane de la période correspondant à l’anesthésie de ces 16 sujets est 1987. Dans le groupe des 16 patients survivants ayant reçu du dantrolène, la médiane de la période est 1993. Dans ce groupe, le délai entre le diagnostic HM et l’injection de dantrolène a toujours été inférieur à 20 minutes. Enfin, il est remarquable qu’aucun décès par HM n’a été rapporté après 1995.

On peut conclure de cette étude, que tout ce qui aide au diagnostic précoce de la crise d’hyperthermie maligne : déclenchement d’un spasme des masséters par induction halogénés, succinylcholine, monitorage par capnographie, formation de l’anesthésiste aux signes d’HM, associés à la disponibilité immédiate de dantrolène, ont permis de diminuer fortement la mortalité par HM.

 2)      Nouvelle circulaire dantrolène du 18 novembre 1999.

Cette circulaire a pour objet de rappeler les risques létaux liés à la survenue d’une hyperthermie maligne au cours d’une anesthésie générale et de donner les moyens de traiter cette pathologie. Elle constitue une mise à jour de la circulaire du 12 décembre 1989 qui faisait obligation aux établissements de santé où se pratiquent des anesthésies, de constituer une réserve de dantrolène injectable de 36 flacons par établissement. La nouvelle circulaire rappelle que : « la disponibilité immédiate (18 flacons doivent être immédiatement disponibles sur tout site ou groupe de sites adjacents d’anesthésie), et la bonne utilisation du dantrolène sont des éléments essentiels de la prise en charge et que 36 flacons de 20 mg peuvent être nécessaires au traitement de la crise. Par ailleurs, pour les 18 flacons complémentaires, chaque directeur d’établissement et de santé doit veiller, en collaboration avec le pharmacien de l’établissement et le responsable d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale à définir un lieu de stockage précis et centralisé au sein du même établissement, facilement accessible 24H/24 (bloc opératoire, accueil des urgences….) et distant des sites d’anesthésie dans un délai compatible avec les impératifs de sécurité. Chaque flacon doit être préparé par addition  de 60 ml d’eau pour préparations injectables (eau ppi), sa disponibilité doit être également assurée sur chaque site ». La procédure mise en place au niveau du CHR de Lille sera présentée lors du congrès. Il est possible d’avoir le modèle auprès de la pharmacie centrale (Madame LECOUTRE) ou auprès du Professeur R. KRIVOSIC, unité d’hyperthermie maligne (poste 46269).

3)      Diagnostic de la sensibilité HM. Place de la génétique

Les tests de contracture halothane/caféine in vitro sur biopsie musculaire restent le test standard pour établir le risque individuel de la sensibilité à l’HM. Le groupe européen HM a établi un protocole standard des CHCT. Ce groupe a également initié et participé à des études internationales collaboratives concernant la génétique moléculaire de l’HM. Il résulte de ces études que l’HM présente une hétérogénéité génétique. Il n’est donc pas possible de faire le diagnostic de la sensibilité HM et en particulier d’exclure le risque HM en se basant uniquement sur un test génétique isolé.

Six locus portant le nom de MHS1 à MHS6 pourraient porter la responsabilité de la sensibilité HM. Le locus MHS1 situé au niveau du chromosome 19, codant la protéine du canal calcique du réticulum sarcoplasmique est concerné dans 80 % des familles HM ayant fait l’objet d’une identification génétique. Le gène et la protéine portent le nom de RYR1 (du nom du colorant ryanodine ayant permis d’identifier le canal calcique). Vingt trois mutations dans le gène RYR1 ont été publiées, aucune de ces mutations n’a une fréquence dominante. Trente quatre pour cent des familles HM françaises présentent une des ces mutations.

Un accord entre les généticiens et cliniciens du groupe européen de l’hyperthermie maligne conduit à proposer la conduite à tenir suivante :

- compte tenu de l’impossibilité d’affirmer avec certitude le diagnostic positif d’une crise HM, il est indispensable de confirmer le diagnostic par la réalisation de tests de contracture chez le propositus ou ses parents s’il est trop jeune ou décédé. Il est actuellement recommandé d’attendre l’âge de 12 ans et un poids supérieur à 30 kgs pour faire la biopsie musculaire. Cette biopsie doit se faire au niveau du muscle vaste externe de la cuisse. Un prélèvement de sang pour extraction d’ADN et recherche de mutation causale de l’HM est réalisé si les tests de contractures sont positifs. Ces examens sont centralisés dans le laboratoire de biochimie moléculaire du CHU de Grenoble (Pr. Joël LUNARDI). La découverte d’une mutation causale peut théoriquement permettre de faire le diagnostic de la sensibilité HM par recherche de cette mutation chez les membres de la famille. Il est recommandé par le groupe européen que la collecte de sang et l’information aux patients soient réalisées par les centres HM. En l’absence de découverte d’une mutation causale, le diagnostic individuel de la sensibilité HM se fait par les tests de contracture sur biopsie musculaire chez les personnes à risque de la famille. Il est important d’inciter ces personnes à bénéficier du diagnostic par les tests de contracture, d’une part pour déterminer le protocole anesthésique et d’autre part, pour permettre des études de liaison génétique dans la famille.

Conclusion

L’amélioration des connaissances concernant l’HM, la diffusion de ces connaissances par la formation continue, le respect des recommandations concernant le monitorage de l’anesthésie, la disponibilité du dantrolène et le dépistage du risque HM par l’interrogatoire au cours de la consultation d’anesthésie devraient maintenir le taux de mortalité zéro, obtenu depuis quelques années, en France.

 

Liens :

Rubrique HTM des Jlar, fiche conduite à tenir